Le 27e congrès de la Société mondiale des maladies musculaires (World Muscle Society, WMS) a été l’occasion de présenter de nouvelles données sur les nouveaux traitements, les biomarqueurs et l’impact de la technologie numérique sur la prise en charge des patients atteints de maladies neuromusculaires.
Ici, le Dr Jiri Vajsar (directeur clinique, The Hospital for Sick Children, Toronto, Canada, et coprésident du congrès de la WMS de 2022) commente une sélection de points forts du congrès, qui s’est tenu à Halifax, au Canada, du 11 au 15 octobre 2022. Pour en savoir plus sur le congrès de la WMS de 2022, consultez la couverture quotidienne de l’événement par Neurodiem.
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Selon le Dr Vajsar : « Le congrès marquait les retrouvailles en personne après une pause de 2 ans en raison de la pandémie de COVID-19. Pour la première fois, c’était également un congrès hybride, offrant simultanément des présentations en ligne. Quatre jours de congrès par des cliniciens et des scientifiques œuvrant pour la recherche fondamentale et translationnelle ont permis de mettre en évidence de nouveaux développements dans le domaine des maladies neuromusculaires. »
De nouvelles données obtenues dans l’établissement du Dr Vajsar de Toronto, au Canada, ont étayé la capacité de l’intelligence artificielle (IA) à améliorer le diagnostic des troubles neuromusculaires. En se concentrant sur la dystrophie musculaire des ceintures (DMC) de types R1-6, 9 et 12, les chercheurs ont analysé une base de données d’images d’IRM musculaire de 950 patients.
Les chercheurs ont indiqué que :
- des profils d’IRM corrélés avec des diagnostics spécifiques ont été identifiés en appliquant l’IA à la base de données ;
- une application a été développée pour prédire le diagnostic selon le profil d’IRM musculaire avec une précision > 90 %.
Le Dr Vajsar a commenté : « L’IA est vraiment une prouesse informatique révolutionnaire, qui va devenir partie intégrante de la médecine future. De nombreuses maladies neuromusculaires présentent des signes et des symptômes similaires, et le diagnostic différentiel peut s’avérer difficile.
« Cette étude est un excellent exemple, confirmant que l’IA peut s’imposer comme outil de diagnostic pour les maladies neuromusculaires d’après des profils de reconnaissance par IRM musculaire. Les implications potentielles de l’IA et de l’application qui vient d’être développée sont considérables, ce qui permet aux organismes de soins de santé de poser un diagnostic instantané. Ils peuvent ensuite en faire part immédiatement à leurs patients. »
« Les implications potentielles de l’IA sont considérables. »
Dr Jiri Vajsar
Une autre étude a montré comment l’apprentissage automatique peut nous permettre de mieux comprendre les troubles cognitifs chez les patients atteints de dystrophie myotonique de type 1 (DM1). Les chercheurs ont utilisé des techniques d’apprentissage automatique pour combiner les données de neuro-imagerie cérébrale aux résultats neuropsychologiques afin d’examiner les liens structurels-fonctionnels possibles qui pourraient expliquer le déclin cognitif.
L’analyse a montré que :
- les tests neuropsychologiques ont confirmé une altération de l’organisation de la perception, de la vitesse de traitement et de la mémoire de travail chez les patients atteints de DM1 par rapport aux témoins sains ;
- l’apprentissage automatique a permis d’identifier plusieurs nouveaux profils, indiquant que le déclin cognitif peut être associé à des modifications spécifiques dans le cerveau, comme une augmentation des hypersignaux et une distribution généralisée de l’intégrité dans certains faisceaux de la substance blanche.
Le Dr Vajsar a commenté : « La DM1 est associée à un dysfonctionnement cérébral progressif, un domaine important nécessitant davantage de recherches. Ce congrès a mis en évidence des questions cliniques importantes et des outils d’étude pour les patients atteints de DM1. Leur utilisation de la fusion multimodale combinée des données de neuro-imagerie et de tests neurocognitifs est assez innovante et vient compléter l’arsenal d’outils existant qui peuvent être utilisés chez les patients atteints de DM1. »
Plusieurs rapports présentés lors du congrès de la WMS de 2022 ont actualisé les connaissances sur les essais cliniques pivots évaluant de nouveaux traitements des troubles neuromusculaires. Des données à long terme ont été présentées dans le cadre de l’étude ASPIRO, une première étude chez l’homme portant sur la thérapie génique résamirigène bilparvovec chez des garçons atteints de myopathie myotubulaire liée à l’X (MMTLX).
Bien que l’étude soit actuellement suspendue en raison de la survenue d’événements hépatobiliaires fatals chez 4 des 24 patients, des résultats à long terme étaient disponibles pour les 20 patients survivants. À l’inclusion, tous les patients dépendaient de l’assistance respiratoire, avec un temps moyen sous ventilateur de 22,8 heures/jour. Un seul patient a pu s’asseoir de manière indépendante et aucun des patients n’avait atteint d’étapes plus avancées.
Les résultats (voir encadré) ont indiqué que des améliorations significatives de l’indépendance du ventilateur, de la force respiratoire et de la fonction musculaire squelettique ont été obtenues et maintenues chez de nombreux patients survivants.
Résultats à long terme avec la thérapie génique (résamirigène bilparvovec) chez des garçons atteints de MMTLX | ||
| Faible dose 1,3 × 1014 vg/kg (n = 6) | Dose élevée 3,5 × 1014 vg/kg (n = 14)
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Suivi médian, en mois | 4,1 | 2,5 |
Âge médian au moment du traitement, en années (plage) | 0,9 (0,8 à 4,1) | 1,9 (0,6 à 6,0) |
Obtention et maintien de l’indépendance du ventilateur, n | 6 | 10 |
Retrait de la canule effectué, n | 4 | 5 |
Marche autonome obtenue, n | 5 | 4 |
Capacité à monter les escaliers, n | 4 | 2 |
Événements indésirables graves présentés, n | 2 | 7 |
Le Dr Vajsar a commenté : « Un nombre croissant de maladies monogéniques sont désormais traitées par différentes thérapies géniques. Cette étude portant sur la MMTLX congénitale dévastatrice traite du remplacement du gène de la myotubularine 1.
« Les patients traités par l’administration de gènes par voie intraveineuse ont connu des améliorations considérables, mais plusieurs événements indésirables mortels ont été observés. Comme le parcours de développement de thérapies géniques ciblées dans les maladies neuromusculaires orphelines n’en est qu’à ses débuts, il sera important de caractériser soigneusement les effets des traitements, la pharmacodynamique et la sécurité d’emploi et de trouver des moyens de réduire les événements indésirables. »
« Le parcours de développement de thérapies géniques dans les maladies neuromusculaires orphelines n’en est qu’à ses débuts. »
Dr Jiri Vajsar
Les données de l’étude de phase 3 EPIDYS sur la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) ont également été présentées. Les patients éligibles (âgés de ≥ 6 ans et mobiles) ont été randomisés pour recevoir le givinostat, un inhibiteur de l’histone désacétylase (HDAC), ou un placebo pendant 18 mois.
Les chercheurs ont indiqué que :
- le critère d’évaluation principal de l’étude a été atteint : les patients du groupe givinostat ont connu une variation significativement plus importante du temps pour monter quatre marches par rapport à l’inclusion que dans le groupe placebo (rapport de moyenne géométrique des moindres carrés de 0,86 ; p = 0,0345) ;
- les critères d’évaluation secondaires étaient systématiquement favorables au givinostat par rapport au placebo, et les effets sur le score total de l’évaluation ambulatoire North Star, la perte de fonction cumulée et la fraction de graisse musculaire étaient nominalement significatifs (p < 0,05) ;
- le profil de sécurité d’emploi et de tolérance du givinostat était acceptable.
Le Dr Vajsar a commenté : « Il existe un besoin insatisfait de traitement de la DMD, car il n’y a pas de traitement de la cause, et l’utilisation de stéroïdes à long terme est associée à des effets secondaires graves. Les traitements émergents ciblent différentes voies menant à la dystrophie musculaire. Le blocage pharmacologique de l’HDAC réduit la fibrose et favorise la régénération compensatoire dans le muscle squelettique de la souris.
« Cette étude clinique a révélé que le traitement par un inhibiteur puissant de l’HDAC présentait un bon profil de tolérance. Il existe des preuves cumulées que les inhibiteurs de l’HDAC pourraient jouer un rôle dans le traitement des garçons atteints de DMD, associés à d’autres pharmacothérapies et éventuellement une thérapie génique. »
« Les inhibiteurs de l’HDAC pourraient jouer un rôle dans le traitement des garçons atteints de DMD. »
Dr Jiri Vajsar
Les données à long terme de l’étude de phase 3 COMET chez des patients atteints de la maladie de Pompe ont également été présentées. Cette étude a comparé l’efficacité de l’avalglucosidase alpha (AVAL) à celle de l’alglucosidase alpha (ALGLU) chez des patients atteints d’une maladie d’apparition tardive. En tout, 95 patients ont intégré une étude d’extension pour recevoir de l’AVAL, dont 51 patients initialement affectés à l’AVAL (groupe « AVAL ») et 44 patients qui sont passés de l’ALGLU à l’AVAL (groupe « changement de traitement »). Les résultats ont été mesurés lors de la Semaine 145.
L’étude a montré que :
- la fonction pulmonaire s’est améliorée dans une mesure similaire dans le groupe AVAL et le groupe Changement de traitement (variation moyenne des moindres carrés de la capacité vitale forcée respectivement de +1,43 % et +1,26 % par rapport à l’inclusion) ;
- l’amélioration de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes lors de la Semaine 145 était plus importante dans le groupe AVAL que dans le groupe changement de traitement (respectivement +20,65 m et 0,29 m) ;
- l’incidence des effets indésirables était similaire dans les deux groupes (respectivement 96,1 % et 97,7 %).
- Six événements indésirables ont entraîné l’interruption du traitement, dont 4 liés au traitement (hyperémie oculaire, érythème, urticaire, détresse respiratoire).
Le Dr Vajsar a commenté : « La maladie de Pompe est une maladie neuromusculaire progressive rare, causée par un déficit en α-glucosidase acide (GAA) lysosomale et une accumulation ultérieure de glycogène. L’AVAL, une enzymothérapie de substitution (ETS) de la GAA recombinante humaine améliorée, est conçu pour augmenter la fixation cellulaire et la clairance du glycogène. Ici, les chercheurs ont souligné l’effet satisfaisant du traitement et l’absence de problèmes liés à la sécurité d’emploi ou à l’immunogénicité en cas d’utilisation prolongée. »
« Les chercheurs ont souligné l’effet satisfaisant du traitement et l’absence de problèmes liés à la sécurité d’emploi ou à l’immunogénicité. »
Dr Jiri Vajsar
D’autres recherches sur la maladie de Pompe d’apparition tardive ont analysé l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les patients. En janvier 2022, des spécialistes au Royaume-Uni ont effectué une enquête en ligne auprès de patients afin de mieux comprendre le parcours des patients et la manière dont la pandémie a affecté ce parcours.
Les résultats ont fourni des informations sur le parcours de diagnostic, le niveau de handicap et l’impact de la COVID-19 (voir encadré).
Enquête auprès de 37 patients atteints de la maladie de Pompe d’apparition tardive |
Diagnostic, fardeau des symptômes et traitement :
Impact de la pandémie de COVID-19 :
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Le Dr Vajsar a commenté : « C’est une étude remarquable. Elle souligne l’importance des perfusions intraveineuses à domicile, lorsque les perfusions d’ETS deux fois par semaine (et d’autres traitements par voie intraveineuse réguliers, comme la gammaglobuline par voie intraveineuse) peuvent continuer à être administrées à domicile. Ce traitement à domicile pourrait être organisé par de nombreux pays et États, ce qui permettrait d’économiser les temps de déplacement vers l’hôpital et de réduire les coûts hospitaliers. »
« Le traitement à domicile permettrait d’économiser les temps de déplacement vers l’hôpital et de réduire les coûts hospitaliers. »
Dr Jiri Vajsar
De nouveaux éclairages sur les complications microvasculaires chez les patients atteints d’amyotrophie spinale (AMS) ont également été révélés lors du congrès de la WMS de 2022.
Des spécialistes au Royaume-Uni ont effectué une série d’études précliniques pour examiner la physiopathologie sous-jacente des complications liées aux vaisseaux et le rôle de la SMN (une protéine déficiente chez les patients atteints d’AMS) dans le développement vasculaire.
Les études ont montré que :
- Les défauts vasculaires rétiniens observés dans l’AMS sont causés par des troubles de l’angiogenèse et de la maturation des vaisseaux.
- Ces défauts peuvent être inversés in vivo par un traitement par oligonucléotides antisens de restauration du gène SMN.
- Les patients atteints d’AMS présentent un déséquilibre dans la lésion et la réparation des cellules endothéliales, entraînant une augmentation des cellules endothéliales circulantes et une réduction des cellules progénitrices endothéliales.
- Dans les cellules endothéliales humaines et murines mises en culture, les défauts de l’angiogenèse et de la formation des vaisseaux sanguins, secondaires à un déficit en SMN constituaient le mécanisme sous-jacent ayant entraîné la pathologie microvasculaire.
Le Dr Vajsar a commenté : « L’absence du gène SMN exprimé de manière ubiquitaire conduit non seulement à l’AMS, mais est également associée à l’altération de l’angiogenèse et de la maturation des vaisseaux sanguins, qui peuvent finir par entraîner une microvasculopathie.
« Il s’agit d’une observation importante, car, par exemple, la thérapie génique de l’AMS onasemnogène abeparvovec était associée à une microangiopathie thrombotique. Ainsi, les professionnels de santé doivent garder cela à l’esprit et traiter les complications potentielles associées en conséquence. »
« L’absence du gène SMN conduit non seulement à l’AMS, mais est également associée à l’altération de l’angiogenèse et de la maturation des vaisseaux sanguins. »
Dr Jiri Vajsar
Les variants génétiques de signification inconnue (VSI) sont fréquents chez les patients atteints de sarcoglycanopathies, et les nouvelles données présentées lors du congrès de la WMS de 2022 aident à comprendre l’impact potentiel de ces variants.
À l’aide d’une imagerie mutationnelle profonde et de tests fonctionnels à haut débit, des chercheurs aux États-Unis ont créé des bibliothèques lentivirales qui contiennent toutes les variations de codage possibles des gènes SGCA, SGCB et SGCG, impliqués respectivement dans la DMC R3, R4 et R5.
À l’aide de ces bibliothèques de variants, les chercheurs ont :
- calculé un score fonctionnel pour chaque variant, à partir d’un débit élevé et des écrans fonctionnels orthogonaux et d’un séquençage unicellulaire ;
- validé le score fonctionnel en comparant les résultats avec les variants pathogènes et bénins connus identifiés chez des patients réels ;
- trouvé une corrélation entre le score fonctionnel et les caractéristiques cliniques, comme l’apparition et la gravité de la maladie.
Le Dr Vajsar a commenté : « De nombreuses maladies neuromusculaires sont causées par des mutations d’un seul gène. Cependant, la recherche et l’interprétation d’une mutation qui pourrait être responsable de la maladie sont souvent problématiques. Les chercheurs ont développé une nouvelle technique et créé une bibliothèque de mutations qui permet de caractériser rapidement une mutation inconnue/incertaine.
« Actuellement, cette bibliothèque n’est disponible que pour les sarcoglycanopathies, mais la même technique pourrait être adaptée à d’autres groupes de maladies neuromusculaires génétiques. Cela offre une formidable opportunité de diagnostiquer avec précision les maladies neuromusculaires par une méthode génétique chez des patients et leurs familles. »
« Les chercheurs ont créé une bibliothèque de mutations qui permet de caractériser rapidement une mutation inconnue/incertaine. »
Dr Jiri Vajsar
Enfin, pour ce passage en revue des points forts de ce congrès de la WMS, des chercheurs japonais ont rapporté un nouveau biomarqueur qui pourrait aider à détecter précocement la sclérose latérale amyotrophique (SLA).
Ce biomarqueur, appelé « protéine de liaison à l’ADN TAR 43 » (TAR DNA-binding protein 43, TDP43), a été impliqué précédemment dans la mort neuronale, une cause sous-jacente de la faiblesse progressive et de l’atrophie qui est caractéristique de la SLA. La découverte post-mortem de l’accumulation de TDP43 dans les faisceaux nerveux intramusculaires chez les 10 patients atteints de SLA sporadique (et aucun des 12 témoins non atteints de SLA) a permis de mener une étude plus vaste évaluant la TDP43 dans des échantillons de biopsie musculaire.
L’étude portant sur une biopsie musculaire a révélé les éléments suivants :
- Sur les 114 personnes incluses dans l’étude, 71 présentaient des signes de faisceaux nerveux intramusculaires et 43 n’en présentaient pas.
- Sur les 71 personnes présentant des faisceaux nerveux, 33 (47 %) présentaient des signes d’accumulation de TDP43 et ont par la suite reçu un diagnostic de SLA
- Les 38 personnes restantes n’ont présenté aucun signe d’accumulation de TDP43 et n’ont pas développé de SLA
- Sur les 43 personnes sans faisceaux nerveux intramusculaires, 3 ont reçu un diagnostic ultérieur de SLA
- Notamment, 9 des personnes auxquelles on a diagnostiqué une SLA présentaient des faisceaux positifs pour TDP43, mais des symptômes du deuxième motoneurone uniquement au moment de la biopsie.
Le Dr Vajsar a commenté : « Le diagnostic de la SLA reste problématique, et les critères de diagnostic actuels (critères d’Awaji et de la Gold Coast) sont complexes et sujets aux erreurs. Outre l’électrophysiologie, il n’y a pas d’autres biomarqueurs robustes disponibles pour faciliter le diagnostic de la SLA. La découverte d’un biomarqueur pathologique puissant doit être envisagée dans la pratique clinique et les essais cliniques, en particulier pour la forme spinale de la SLA. »
« La découverte d’un biomarqueur pathologique puissant doit être envisagée dans la pratique clinique et les essais cliniques. »
Dr Jiri Vajsar
Pour plus d’informations sur les nouvelles découvertes présentées lors du congrès de la WMS 2022, consultez la couverture quotidienne de l’événement sur le site Web de Neurodiem.